"La voix du Nord" jeudi 30/10/2008 PAR SAMUEL COGEZ
Aujourd'hui âgé de 54 ans, l'homme est blessé dans son corps et dans son âme. Depuis une agression à caractère homophobe dont il a été victime en janvier 2000, ce Lensois n'ose plus sortir seul. Ni promenade, ni rencontres. Anxiété, angoisse. Tout cela a été pris en compte par le tribunal de grande instance (TGI) d'Arras, qui vient de statuer sur les dommages-intérêts alloués à la victime. Outre le préjudice physique lié aux blessures, le TGI a reçu la demande de l'avocat de ce Lensois, qui avait demandé un « préjudice d'agrément » supplémentaire. La victime sera indemnisée de 2 000 E à ce titre, en plus des dommages-intérêts corporels importants.
Rare violence
Il faut dire que l'agression homophobe qu'avait subie la victime fut d'une rare violence. Homosexuel, cet homme avait pris l'habitude de se rendre sur des aires de repos, entre autre, pour y trouver de la compagnie masculine. Pas un crime, sauf pour ce chauffeur-routier qui, un jour de janvier 2000, sur l'aire de la Cressonnière (A26, près d'Arras), avait tiré une balle de calibre 44 en pleine tête du malheureux. Il n'avait dû son salut qu'à une intervention neurochirurgicale, suivie de périodes d'interruption de travail. Le 22 mars 2001, le chauffeur routier avait été condamné à deux ans de prison, dont dix-huit mois avec sursis. À moindre mal, la loi faisant de l'homophobie une circonstance aggravante n'avait pas encore été votée (elle le fut en 2003).
« Indépendamment des préjudices corporels, la justice a en fait retenu le fait qu'on avait porté atteinte aux habitudes de vie sociale et aux joies de la vie courante de mon client », détaille Me Jean-Bernard Geoffroy, avocat de la victime et président du réseau d'assistance aux victimes d'agressions et discriminations (RAVAD). Dans son jugement, la justice arrageoise estime en effet qu'« il ne peut être sérieusement contesté qu'il (le blessé) a dû renoncer à se rendre seul dans ces lieux de rencontre, ce qu'il pratiquait avant son agression ».
« Ce genre de décision peut permettre aux agressés de ne plus avoir honte de cela, argumente Me Geoffroy.
Cela peut les libérer des craintes de pousser la porte du commissariat pour déposer plainte en cas d'agression ». •